Sénégal - Étude démographique dans la région du Sine-Saloum (1962-1966)

À la fin des années cinquante, les données démographiques de base nécessaires à la planification dans les États africains ne pouvaient être fournies dans la plupart des cas par les sources habituelles : dénombrements administratifs et état civil. Pour améliorer la connaissance de la structure et du mouvement des populations, les services de la statistique commencèrent à collecter des données en joignant à un recensement des questions rétrospectives sur les naissances, décès et migrations : ce sont les enquêtes démographiques, qui ont couvert de larges échantillons de population dans l'ensemble de l'Afrique francophone intertropicale. Au Sénégal, la première enquête de ce type a été réalisée par sondage dans la Vallée du Sénégal en 1957, puis une autre également par sondage sur l'ensemble du territoire en 1960-61. L'apport de ces enquêtes a été très important, mais de lourdes incertitudes restaient liées à la méthode rétrospective utilisée ainsi qu'aux possibilités de variations annuelles qui ne peuvent être relevées lors d'un interrogatoire unique. Il est donc apparu nécessaire d'essayer une méthode plus fidèle, recourant le moins possible à la mémoire des personnes interrogées et couvrant plusieurs années successives. En même temps, on éprouvait la nécessité d'améliorer le système d'état civil afin de pouvoir l'utiliser à l'avenir pour les statistiques vitales. C'est ainsi qu'à l'initiative du Gouvernement du Sénégal, a été entreprise l'étude démographique du Sine-Saloum (région choisie en raison de son importance dans l'économie du Sénégal). Les objectifs de cette étude expérimentale en milieu rural étaient les suivants : a) Obtenir un enregistrement précis principalement des naissances et des décès ainsi que des mariages, dans une zone déterminée, indépendamment des déclarations de l'état civil, pour améliorer l'estimation des taux de fécondité et de mortalité, et si possible pendant plusieurs années successives, afin de calculer des taux moyens ; comparer les résultats avec l'enregistrement dans les bureaux d'état civil et surtout avec ceux obtenus par d'autres méthodes (méthode des interrogatoires rétrospectifs de l'enquête démographique par sondage 1960-1961) pour apprécier la valeur de celles-ci ; tirer les enseignements méthodologiques sur cette méthode d'observation suivie et en calculer le coût, afin de prévoir le financement d'autres enquêtes éventuelles du même type. b) Parallèlement examiner dans la même zone le fonctionnement du système d'état civil pour déceler les difficultés locales éventuelles et proposer les solutions propres à l'améliorer. L'opération a été menée sur trois ans. La méthode utilisée est une observation nominative répétée qui évite le recours aux questions rétrospectives, c'est-à-dire à la mémoire des personnes interrogées : la population a fait l'objet d'un recensement initial, puis a été visitée périodiquement à domicile pour noter les changements démographiques intervenus depuis le passage précédent ; au cours du premier cycle annuel, le recensement initial a été suivi de trois tournées de visites, puis les passages suivants ont eu lieu approximativement à un an d'intervalle. Les entretiens se déroulaient en wolof, langue comprise partout. L'enquête a été réalisée par deux contrôleurs (qui ont effectué à eux seuls les trois tournées de 1963) et par 6 à 8 enquêteurs (13 pour le recensement initial). Un dépouillement annuel léger a été réalisé sur le terrain, et l'ensemble des données a été codifié et chiffré par les enquêteurs sur des fiches de chiffrement pour l'exploitation mécanographique. Le dernier passage était terminé en mai 1966 et l'exploitation générale en octobre 1966. Parallèlement, et relativement au fonctionnement de l'état civil, on a confié aux chefs de village un cahier pour qu'ils y inscrivent les naissances, décès et mariages survenus dans le village avant d'aller ensuite faire la déclaration au bureau d'état civil au moins une fois par mois. Ce cahier d'état civil de village s'est révélé efficace surtout quand il est conçu de façon pratique. L'observation a été poursuivie après 1966 sur une partie de la zone ("Ndémène-Ngayokhème") qui est devenue un véritable "laboratoire de population" où sont étudiés non seulement les phénomènes démographiques, mais aussi d'autres aspects de l'étude des populations, notamment dans le domaine population-santé (épidémiologie, campagnes vaccinales, etc.).